Depuis bientôt trois semaines, je suis en résidence-mission sur le territoire de la CARCT, c'est à dire de la Communauté d'Agglomération de la Région de Château-Thierry, encore de cette pointe sud du département de l'Aisne — département de France où le taux d'illestrisme est le plus élevé, soit entre 14 et 15% — "coincée entre l'est de la Seine-et-Marne plutôt urbanisé et l'ouest de la Marne, terre mondialement connue — et très riche — du Champagne. Bref, un territoire qui cherche peut-être son identité et en tout cas plutôt (très) rural — et d'une grande beauté, entre eau et forêts.
Ma mission pendant cette résidence — qui durera 4 mois et a été préparé par une semaine d'immersion en novembre dernier — est d'aller mener des ateliers de pratique artistique et/ou de proposer des "gestes artistiques" auprès de tous les publics, mais avec une attention plus particulière en faveur des jeunes publics, autour de la lecture à voix haute mais aussi de l'écriture, et de la lecture tout court — toujours ce fameux taux d'illettrisme... Et puis ce relatif isolement, cet enclavement d'un territoire qui n'a jamais compris pourquoi il avait été rattaché à l'Aisne — et par là aux Hauts-de-France — plutôt qu'à la Marne. Comme un syndrome de l'imposteur inversé... Seule grande fierté des lieux : être la patrie des Claudel.
Ce territoire, j'y vis en tout cas à temps plein depuis le 20 janvier, et plus exactement dans la charmante ville de Fère-en-Tardenois, à mi-chemin entre Château-Thierry et Soissons. Mes deux premières semaines de résidence ont surtout été consacrées à des rendez-vous et des prises de contact en vue de développer des projets autour de la lecture et de l'écriture avec des partenaires aussi diversifiés que des écoles et des collèges, un IME, des EHPAD, des ALSH (Accueil de Loisirs Sans Hébergement, j'ai appris cet acronyme aujourd'hui), un club de scrabble, une prison, des musées, et peut-être même une maison de champagne...
Dans ce cadre, hier, j'ai mené mes premiers ateliers avec des enfants de 3 à 5 ans : autant dire que je n'en menais pas large, car, pour avoir écrit, mis en scène et produit des spectacles jeune public, je sais qu'il n'y pas plus exigeant que les enfants. Heureusement, en tant que directeur éditorial d'une jeune maison d'édition, je me suis servi du premier et seul album jeunesse que nous ayons publié pour en tirer quelques images, parmi les plus "dramaturgiques" du livre, comme celle-ci.
A partir d'elles, j'ai demandé aux enfants de me dire ce qu'il voyait et d'imaginer ce qu'il ne voyait pas. J'ai eu deux groupes dans la journée, et, à chaque fois, ça a fusé, et j'ai eu du mal à prendre des notes. Ensuite, je leur ai fait découvrir l'album dans son entier, "Bûchette et l'arbre magique", qui a pour particularité d'être entièrement musical (version audio accessible depuis un QR code intégré en page 4). Et pour finir, nous avons chanté ensemble une des chansons de l'album. Tout ça en une heure ! Epuisant mais passionnnant. Pour preuve, ces jolis textes que j'ai tirés des notes que j'ai prises — et aussi les dessins qui suivent.
"La petite fille aux cheveux orange s’appelle Liga.
La petite aux cheveux blancs et noirs s’appelle Colette. Elle a des lunettes parce qu’elle a les yeux fermés.
Elles se font un câlin dans le jardin parce qu’elles s’aiment bien. Et elles sont contentes parce qu’elles se retrouvent pour les vacances.
Derrière les buissons, il y a une piscine, et devant la maison, il y a des roses rouges."
"La mamie s’appelle Chantereine, la petite fille Marianne, l’arbre Kong.
Dans la maison, il y a un grenier, et dans ce grenier il y a des jouets anciens, des déguisements vieux, des araignées et leurs toiles, et de la poussière.
Dans le tronc de l’arbre, il y a une porte secrète qui s’ouvre avec une clé en bois qu’on ramasse par terre. Derrière la porte, il y a la chambre secrète du Père Noël qui dort (sauf en décembre) pendant que les lutins travaillent.
Marianne a des ailes de papillon et elle vole dans le ciel en faisant attention à ne pas toucher les fils électriques."
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